06 Jan Comment en sommes-nous arrivés là ?
Pourquoi l’accès à une alimentation plus durable sur un territoire pose t-il la question d’une nécessaire reconnexion des citoyens avec tous les enjeux que recouvrent notre façon de nous nourrir ?
Notre rapport à alimentation est celui d’une distanciation : nous avons progressivement perdu le lien avec la production alimentaire. En 2 siècles, nous sommes passés d’un métabolisme (flux d’énergie et de matière) solaire à un métabolisme minier. Dans une société traditionnelle, l’agriculture couvre tous les besoins humains (nourriture, combustible, vêtements, matériaux de construction, techniques de cultures, gestion de la fertilité de sols, énergie). Le métabolisme minier, dans une société industrielle, repose sur l’extraction des ressources du sous-sol (charbon, pétrole, uranium) et les produits de synthèse. La demande adressée à l’agriculture se résume désormais à la fourniture d’aliments quand tous les autres besoins sont couverts par les produits de synthèse ou dérivés issus des énergies fossiles (carburants, machines, chimie, fertilisation, pesticides, insecticides, …).
Aujourd’hui, 90 % de la surface agricole mondiale est inondée de pesticide. 180 millions de tonne d’engrais chimiques sont utilisés par an.
La production alimentaire mondiale est devenue une gigantesque industrie qui alimente aujourd’hui 7,5 milliards d’individus, demain 11 milliards (2100). Alors qu’il existe 10 000 à 50 000 plantes comestibles dans le monde, aujourd’hui moins de 200 d’entre elles sont utilisées pour l’alimentation. Ainsi, depuis le début du XX eme siècle, près de 75 % des variétés végétales cultivées ont disparu à mesure que les variétés locales ont disparu. Notre alimentation repose en quasi totalité sur 3 céréales ; le blé, le riz, le maïs qui fournissent près de 60 % des calories et des proteïnes quotidiennes.
Aujourd’hui, grâce à des dizaines d’acquisitions, les 3 premiers semenciers dominent près de 60 % du marché mondial.
Le matériel héréditaire des espèces sauvages devenues commerciales est désormais inexploitable. L’uniformisation génétique des aliments contribue à la propagation de maladies. En moins de 2 générations, notre système alimentaire a muté : agriculture intensive, mode de préparation alimentaire, place de la Grande distribution.
Après la deuxième guerre mondiale, la hausse spectaculaire du pouvoir d’achat, la baisse du prix relatif des aliments ont banalisé la nourriture qui a perdu sa valeur symbolique. Elle est devenue mentalement gaspillable. L’urbanisation (80 % de la population française est urbaine), l’intensification des rythmes de vie ont contribué à la réduction du temps consacré à la préparation des repas et à l’éclatement des déjeuners familiaux.
Nos aliments viennent de loin, de très loin. De plus en plus d’intermédiaires interviennent entre la production et la consommation. Comment sont produits, transformés ces aliments ? Que nous mangeons-nous ? Le « système » alimentaire est-il plus encore maitrisé et par quels groupes industriels ? Les circuits alimentaires sont devenus opaques. Ils sont organisés à 90 % par 4 grosses centrales d’achat.
6 millions de tonnes de nourriture sont importés chaque année pour alimenter les 12 millions d’habitants de la région parisienne. 900 000 tonnes de fruits et légumes sont consommées annuellement par les franciliens.
Comme le souligne José Graziano da Silva (directeur général de la FAO entre 2021 et 2019), « pour la première fois, nous vivons dans un monde où chaque jour sont publiés différents rapports, analyses scientifiques qui s’intérrogent sur l’impact de l’alimentation sur la vie humaine ».
L’évolution de nos modes de vie (sédentarité), la dégradation de notre environnement (pollutions), la piètre qualité de notre alimentation (aliments transformés, additifs) sont autant de facteurs déterminants de notre état de santé comme celui de la société dans son ensemble.